La Revue Gestalt [1] a publié, dans sa parution de juin 2023, un dossier sur les Ecouteurs de Rues, ces professionnels de la santé mentale – psychologues, psychothérapeutes, psychopraticiens – qui proposent bénévolement des écoutes gratuites dans la rue. Ils existent à Paris depuis 2019, à Rennes et à Nantes depuis 2022 et à Toulouse dès début 2023.
Pour mieux comprendre la philosophie, Séverine Bourguignon, Présidente de l’association, explique dans cet article les fondements, les principes et les valeurs :
Art thérapeute et gestalt thérapeute, elle réalise un projet artistique à La Goutte d’Or à Paris en 2018. A force de rencontres dans l’espace public, elle est interpellée par la spontanéité de parole des passants. Sensible aux difficultés d’accès aux soins psychologiques, elle décide de monter un projet d’écoute de rue et propose aux thérapeutes et psychologues de son réseau de la rejoindre. « J’émets l’hypothèse que les gestaltistes considèrent la rencontre entre l’organisme et l’environnement (la frontière-contact) de façon si particulière qu’ils sont sensibles à cette initiative sociale porteuse d’aller-vers et d’ajustement créateur ».[2]
La proposition des Écouteurs de rues, c’est une écoute active, un accueil inconditionnel, un ajustement à l’environnement. Les passants peuvent venir s’asseoir sur une chaise posée sur le trottoir où la discussion peut démarrer par des mots simples « qu’est-ce que vous pensez que vous et moi pourrions-nous dire ? ». Une banderole « Ici on vous écoute » suffit parfois à ce qu’une personne s’assoit sans demander plus d’explications. Un brassard permet d’identifier les bénévoles. Les rencontres sont courtes, de quelques minutes à 20 minutes, et proposent juste d’apporter une écoute et une présence. Pas d’engagement.
Être sur la place publique : c’est se rendre visible pour devenir accessible à ceux qui n’ont pas accès au soin. C’est aussi se rendre accessible à ceux qui pourraient avoir accès mais qui n’osent pas ou ne réussissent pas à passer le cap. Rendre la santé mentale accessible à tous.
Rompre l’isolement : pas de jugement, pas d’attentes. La posture gestaltiste favorise cette approche en se centrant principalement sur le ressenti, dans l’ici et maintenant de la relation.
Assurer l’anonymat : personne n’est obligé de donner son nom que ce soit l’écoutant ou l’écouté. Se livrer à un(e) inconnu(e) (juste identifiable par un brassard) peut permettre de restaurer la confiance en la possibilité de relations saines.
Occuper une fonction sociale qui n’existe pas encore et remplir une fonction de passerelle vers les structures existantes. En simplifiant le contact, en facilitant la demande, en limitant les étapes ou les obstacles vers ces autres structures lorsque c’est nécessaire.
Sans aucune prétention, il s’agit simplement d’apporter une écoute, à tout le monde. C’est une rencontre unique, pas de rendez-vous. L’intention est d’offrir un espace de parole gratuit, bref et sans lendemain. Il s’agit par ailleurs d’orienter les personnes vers les associations, institutions et structures, si elles le demandent ou si cela apparaît pertinent.
https://www.lesecouteursderues.com/
[1] Les écouteurs de rue, pour un instant d’humanité – Séverine Bourguignon – Revue Gestalt n° 59 Avec le temps… p.171-184
[2] Les écouteurs de rue, pour un instant d’humanité – Séverine Bourguignon – Revue Gestalt n° 59 Avec le temps… p.172